Dans une ambiance chaleureuse, l’objectif de l’atelier d’écriture est de découvrir, de dynamiser et de travailler l’écriture créative et littéraire. Les retours sur les textes sont techniques.
J'anime des ateliers d'écriture "littéraire". mais qu'est-ce qui est littéraire? Je crois que ce qui est en priorité « littéraire » pour le participant, c’est d’abord son intention. Son intention sur ses propres textes. Ce qui est désirable pour le participant, c’est de créer un texte qui n’appartienne pas seulement à la sphère pragmatique ou psychologique du privé. Ce qui est désirable, c’est de créer. Créer un texte. Texte qui peut-être projeté plus loin que lui-même, vers l’autre et, le cas échéant, dans la sphère culturelle. Créer. Là est la jouissance. Faisant écho à celle-ci, j’avoue ma fascination. Car je suis fascinée par le processus créatif en cours dans l’atelier. Il y a bien sûr un grand plaisir à accompagner ce processus. Mais c’est d’abord la fascination qui prime. Cette fascination s’exerce ici à l’endroit du phénomène de création artistique qui a lieu dans le champ du littéraire et qui a pour spécificité de s’expérimenter dans un groupe.
Quelques écrivains majeurs captent des préoccupations collectives dans leurs œuvres et revoient le monde à travers une langue neuve –et c’est Proust, Joyce, Sarraute, Becket. Un grand écrivain enrichit inévitablement le monde d’une langue neuve. Mais la démarche créative et l’écriture ne sont pas l’apanage de quelques artistes majeurs qui marquent une époque.
Non, créer est un acte de liberté qui est ouvert à tous. Chacun peut s’approprier le monde par un geste créatif en lui donnant un « plus » qui est son propre monde. Cette appropriation -qui est aussi circulation- se fait toujours en relation à l’autre.
Le texte créé par le participant, est donné à lire. C’est immense de le recevoir. Il faut le dire. Cela va de soi, mais il faut néanmoins le dire. La bienveillance. Le respect. L’écoute. Préalables indispensables. Il y a le texte, et je le prends au sérieux, tout en étant consciente des grandes lignes de mon propre système de lecture, étant donné qu’il n’en existe pas de neutre. Et en m’en tenant à lui, au texte. Ce que je veux dire, c’est qu’il y a des éléments qui assurent la cohésion, l’originalité, la singularité et le fonctionnement du texte. Eléments qui s’entrelacent pour « tisser » ce texte.
Ce que je vais faire, c’est essayer de mettre à jour l’une des structures internes du texte. Ceci de façon partielle, bien entendu. Ceci, à titre d’indications. En tant qu’animatrice, je vais mettre à distance le texte, gageure quai-impossible pour l’auteur qui se trouve encore « dans » son texte.
Qui dit « création », dit automatiquement recherche incessante de l’élaboration personnelle d’une nouvelle forme, même si celle-ci s’inscrit dans une tradition.
S’il y a une écriture littéraire, en ateliers d’écriture, elle ne peut se définir seulement en termes de norme. Mais pas seulement non plus en termes de subversion. La norme, me semble-t-il, est intégrée, ceci afin d’en jouer inconsciemment et consciemment. En tant qu’animatrice, la norme, et toute la stéréotypie qui s’y attache, est en même temips reconnue dans le texte, et en même temps mise à distance.
La lecture distanciée, celle qui mobilise ma vigilance et mes compétences, et qui permet un retour formel sur le texte, est largement sollicitée dans l’atelier d’écriture. C’est une joie que de la pratiquer. Elle ne cesse de m’amuser. Elle implique une certaine distance bien sûr, mais pas constante.
Il arrive qu’une phrase, une portion de texte, un texte tout entier s’impose. Je suis touchée. Une onde de silence parcourt le groupe. Quelques secondes. Une joie me déborde. Ou un plaisir. Une satisfaction. Un quelque chose de plus s’ajoute à mon monde. Je suis agrandie par quelques mots singuliers. Ce peut s’inscrire dans un texte qui use d’une forme narrative classique, ou ce peut être sur le mode contemporain du jeu, du fragment, de l’hybridation, de l’humour, cela n’a pas d’importance. Le texte est. Il n’a besoin de rien d’autre que lui-même. Il est singulier. Il signifie. Quelque chose a lieu.
J’anime, entre autres, des ateliers d’écriture à partir de l’œuvre de Kafka , Michaux, Bauchau, Tournier, Colette, Sarraute, Duras, etc… Pourquoi ai-je choisi ces écrivains ? Dans le cadre d’un atelier d’écriture « littéraire », il y a au moins 11 représentations de ce qu’est la littérature. 10 participants et moi-même, animatrice, nous avons une représentation du champ littéraire. Et puis, nous avons des goûts, nous avons des inclinations, nous avons des passions. Oui, le mot est lâché : passion. C’est là que mon désir d’animer un atelier d’écriture s’enracine : dans la passion. Qui dit «passion» dit rencontre fulgurante. Ces rencontres se sont produites un jour, lointain ou proche, avec des textes.
Des rencontres qui m’ont donné un plaisir magnifique de lecture. Ce plaisir fonde mon corpus de textes, celui qui jalonne « ma » littérature. C’est de là qu’est partie la conception d’ateliers d’écriture autour d’une oeuvre, ceci non pas pour faire écrire les participants « à la manière de », mais pour laisser agir dans leurs propres écritures de multiples résonnances inattendues. Il n’est pas besoin de connaître ni l’oeuvre, ni l’écrivain pour participer à ces ateliers. Ce qui importe sont les échos qu’un texte d’écrivain produit dans le monde intérieur de la personne qui l’écoute. Tout ce qui entoure la découverte de ce texte, autrement dit la lecture et le dispositif mis en place dans l'atelier y participent. Se laisser toucher par un texte écrit, un texte généré par une expérience psychique et imaginaire qui recrée le monde dans une langue, j’entends un texte « littéraire » donc, ça donne envie d’écrire….
Croire qu’en participant à un atelier d’écriture, on va trouver des procédés pour devenir « écrivain », est un leurre. Ce n’est pas l’objectif. Des procédés pour écrire, en revanche, peut-être. Mais d’après moi, ce qui est important, c’est le processus, pas le procédé. Et dans un processus, on entend « mouvement », on entend « vie », on entend « chemin », on entend « marche ».
On pourrait aussi dire « lenteur », « paliers », « itinéraire », « découvertes », « révélations », « accroissements ». On pourrait encore dire bien des choses.
Ce dont il s’agit in fine, c’est d’une personne qui « s’individue » de plus en plus dans une langue. La sienne. D’une personne résonnante d’une culture. Avant d’un « faire », c’est d’un « être » qu’il s’agit...
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